Un peu d’histoire

L’église de Gignac-la-Nerthe

Un lieu ancien qui ne convient plus

Depuis le XIIIe siècle au moins et jusqu’au XVIIIe siècle, les Gignacais, tout comme les habitants du Rove ou d’Ensuès, se partagent l’église Saint-Michel de Gignac dite aussi des Templiers, sise sur la colline. On devine la difficulté des paroissiens pour se rendre aux offices ou pour les grands évènements qui ponctuent la vie du Chrétien, les mariages, les décès (le Rove était lieu d’inhumation), les communions, la confession au moins une fois l’an … Et que dire du sentier pas facilement praticable ! Et quel périple l’hiver sous le froid ou l’été sous la chaleur ! Monsieur le curé, depuis 1651, a son logement au Rove. L’appeler d’urgence, surtout la nuit, relève de l’impossible pour les hameaux éloignés.
Un phénomène nouveau touche le hameau des Maisons-Neuves (ancienne appellation du village de Gignac) au XVIIIe siècle : c’est l’extension démographique et urbaine. Le compte rendu de la visite en 1671, de Jean-Baptiste d’Ademar, coadjuteur de l’archevêché d’Arles nous révèle qu’il y a 17 bastides, soit environ une centaine d’habitants au hameau. A la veille de la Révolution, on dénombre 54 bastides soit environ 350 habitants.
Les Gignacais se sentent suffisamment fort pour rompre la communauté religieuse qu’ils formaient depuis des siècles avec Le Rove et Ensuès : ils veulent avoir au sein des Maisons-Neuves leur propre lieu de culte.

Les premiers pas

C’est au cours de la réunion du conseil de la Communauté, en date du 5 avril 1772, que le problème est soulevé. Melchior Gouiran, un vieux Rovenain, veut récupérer son local servant de maison curiale. Proposition est faite de lui racheter le bâtiment mais à la condition « qu’il soit construit au quartier de Gignac une nouvelle église et une maison curiale à un endroit plus commode pour les habitants dudit quartier que celle qui est actuellement ». Il n’y a, semble-t-il, aucune opposition. La demande est faite à « Monseigneur l’illustrissime et révérendissime archevêque d’Arles, commandeur de l’ordre du Saint-Esprit ».
Il faudra attendre quatre ans (pour quelles raisons ?) pour reparler de l’affaire, lorsque Monseigneur l’archevêque demande des renseignements sur la Communauté et souhaite qu’on lui fasse parvenir une délibération ou une requête « pour demander des prêtres suffisants avec la permission pour construire une église au quartier du plan de Gignac aux frais et dépens des habitants dudit quartier ».
Les Gignacais vont profiter de la visite pastorale de Monseigneur Du Lau archevêque d’Arles (1775-1790), le lundi 25 mai 1778 pour lui rappeler le vœu de construction de leur église. Son autorisation verbale sera confirmée quelques temps plus tard. Les Gignacais sont fous de joie : ils auront leur propre église au sein du village.

L’église est enfin construite

Depuis la visite pastorale de l’évêque, on peut deviner l’empressement des Gignacais. Il faut maintenant trouver un terrain. C’est l’affaire du syndic – représentant de la communauté – Jean-Joseph Reinaud : il obtient une entrevue avec Madame de Marignane, femme du seigneur des lieux, Monsieur le marquis de Covet de Marignane. Le terrain est cédé. La construction peut dès lors être rapidement envisagée. La translation de l’église titulaire de Saint-Michel sera accordée au nouveau lieu de culte avec les mêmes droits privilégiés (la demande avait été faite dès juillet 1777).

Les mesures du futur bâtiment sont annoncées : « La nouvelle église aura 8 cannes de long par 4 de large, ce qui paraît suffisant pour 350 âmes environ qu’il y a dans le quartier et attendu que ce même quartier est susceptible d’augmenter beaucoup de population » (Délibération du 28 mai 1778). Mais le 16 août, les dimensions sont revues (pourquoi ?) : la longueur est ramenée à 5 cannes, la largeur reste inchangée, la hauteur sera de 3 cannes. Ce n’est que le 14 janvier 1779, devant le notaire royal Maître Sacoman, de Marignane, que les mesures du bâtiment seront définitivement arrêtées : 6 cannes de longueur, 4 cannes de largeur, compris les épaisseurs des murs de la hauteur de 22 pans.

Rappelons que la canne, unité de longueur, vaut 8 pans soit 1, 9887 mètre exactement. Cela donne donc, pour notre future église des dimensions d’environ 12 mètres de longueur, 8 mètres de largeur et 5,5 mètres de hauteur. Le maître maçon s’appelle Jean Gourgues. Il vient des Martigues. Il a quatre mois pour achever l’ouvrage. Il recevra 1567 livres payés en trois tiers (commencement, moitié et fin des travaux). La communauté devra emprunter pour 2000 livres (Délibération du 17 janvier 1779), remboursables en 12 ans. Mais peu importe. La réception des travaux aura quelques semaines de retard. Notons que les briques et les tuiles ont été prises dans le bassin de Séon, vieux quartier tuilier de Marseille.

Au détour de la délibération du conseil de la communauté, en date du 1er avril 1780, nous pouvons lire que « les habitants du quartier dûment convoqués par billet à l’issue de la messe à la nouvelle église du plan de Gignac » sont appelés à la réunion. On peut en conclure que le bâtiment fut achevé au tout premiers mois de l’année 1780 (janvier-février) vraisemblablement. Confirmation donnée par la délibération du 9 avril 1780 qui précise que les habitants du quartier du Plan ont fait dire la messe (dans le nouveau bâtiment donc) à leurs frais et dépens depuis environ 2 à 3 mois.

Voilà.  Les Gignacais ont enfin leur propre lieu de culte. Une nouvelle histoire commence…

Michel Méténier